À propos d’M.M.L : peintre ou poète ?
« J’ai pris de grade ce que j’ai pu, fixant la mesure où je ne pourrais plus, et somme toute j’ai vécu heureux par ma tactique de fuir à peu près tout. » Journal d’M.M.L
Parmi tous ceux, intimes et moins intimes qui ont rencontré Savin, certains estiment qu’M.M.L (telle fut sa signature de peintre, faites des initiales de ses trois prénoms Maurice Marie-Léonce) a produit une oeuvre picturale aussi imposante que son oeuvre littéraire.
La question reste ouverte. Toujours est-il que cet aspect de son oeuvre fut immédiatement accessible auprès du public, après sa mort. La signature d’M.M.L s’est donc inscrite peu à peu et tout naturellement en terre Bretonne, dans la mouvance de l’École de Pont-Aven, non sans l’aide généreuse et amicale de son ami Claude Huart, peintre et graveur. Quelques uns de ses pastels ou de ses huiles font partie désormais du patrimoine des Musées de Vannes, de Quimper et de Pont-Aven. On trouvera dans le bel ouvrage d’André Cariou, Les peintres de Pont-Aven, Éditions Ouest-France, 1994, une brève présentation de l’artiste.
Plus poétique que la poésie, la peinture perce mieux le mystère de l’incarnation par cette intensité de réflexion qu’elle contribue à suggérer sans le dire. M.M.L. peintre a bien des fois réfléchi à cette concurrence que l’art de la couleur et de la lumière livre au plus pur des discours : « La peinture fait concurrence aux mots, non par la violence mais par la nuance » ; et encore cette confidence : « On ne sait que dire devant la peinture puisque ce qu’il faut dire, qu’on ne peut dire, la peinture le dit. «
Lui qui était né poète comme d’autres naissent ingénieurs ou prophètes, ce conteur à la plume déjà si subtile et si précieuse, que pouvait il donc attendre de cet autre langage qui n’est plus du reste exactement un langage ? Peut être le vague désir de coïncider davantage avec la Nature et Dieu ; sans doute l’espérance de sentir et d’expérimenter au plus près la vocation spirituelle de sa nature sensible. M.M.L. confie dans son journal que quelque chose en lui s’était rompu quand il avait rompu avec la religion très fervente de sa jeunesse. Cette blessure ou cette rupture, il n’est peut être pas interdit de penser qu’il ait cherché à travers la peinture à l’adoucir, comme pour tenter de renouer avec cette grâce de sentir comme on pense, qui n’appartient qu’à l’enfance.
Michel-Pierre Bachelet
Docteur en philosophie – Légataire de Maurice M.L Savin